La baisse prévue de l’APL va toucher des populations fragiles. Violette, 59 ans, témoigne.
Violette est en colère. «Cinq euros par mois, ça fait beaucoup !» s’exclame cette ancienne auxiliaire de vie de 59 ans, en sortant de son immeuble de la rue Ginette-Neveu, à Paris (XVIIIe), où elle vit seule. Ce week-end, Violette a entendu parler de la baisse des aides au logement de 5 euros par mois et par ménage, dès le mois d’octobre. Pour le gouvernement, c’est une cagnotte vite trouvée. La mesure doit permettre d’économiser 97,5 M€ sur les trois derniers mois de l’année. Mais pour Violette, et de nombreux bénéficiaires de l’APL, cette coupe de quelques euros représente un sacrifice supplémentaire. Car pour cette locataire, pas encore à la retraite, qui touche 309 € par mois d’aides au logement et 600 € d’allocation aux adultes handicapés (AAH), un sou est un sou.
Après avoir payé son loyer de 699 € (charges comprises), il ne lui reste plus que 200 € pour vivre jusqu’à la fin du mois. «Je ne fais pas de sorties ni d’activités, je dois tout consacrer à l’alimentation et aux produits de la maison», explique-t-elle. Et c’est donc sur ce poste de dépenses qu’elle va encore devoir rogner un peu, non sans inquiétudes. «Je me prive déjà beaucoup. Par exemple, je n’achète presque plus de viande sauf un peu de volaille ou de jambon, mais là je vais devoir acheter encore plus de sous-marques», assure Violette.
Une somme capitale dans le budget de certains
Idem pour la nourriture de sa chienne Smoky, dont la qualité pourrait être revue à la baisse. «C’est facile mais injuste de s’en prendre aux personnes âgées et aux plus pauvres, s’énerve-t-elle. Macron et le gouvernement abusent. Je crois qu’ils ne se rendent pas compte de ce que cette somme représente pour des gens comme moi.»
A l’agence départementale pour l’information sur le logement (Adil) de Paris, la directrice, Hélène Le Gall, enfonce le clou : «Pour les locataires en impayés de loyers qui nous contactent, 5 euros ce n’est pas négligeable.» L’association de consommateurs CLCV va même plus loin : «Cela fait déjà longtemps que les bénéficiaires des APL ne sont plus des privilégiés.» «Il y a déjà eu une série de réformes l’an dernier pour intégrer le patrimoine dans le calcul des aides ou baisser les plafonds de ressources, liste Clément Allègre, chargé de mission logement social à la CLCV. On s’attendait bien à de nouvelles décisions visant l’APL, comme le gel du barème en octobre mais, aujourd’hui, cette réforme impacte une population très fragile.»
La preuve : 75 % des 6,5 millions de ménages bénéficiaires des aides au logement font partie du tiers des Français les plus pauvres. Et au fil des ans, le revenu minimum pour obtenir les APL s’est effondré. En 1977, il fallait toucher moins de 1,7 fois le smic pour percevoir une aide au logement, contre 1,02 smic aujourd’hui. «Il est difficile à faire comprendre à des gens pour qui 5 euros est de l’argent de poche que, pour d’autres, c’est une somme capitale dans un budget, poursuit Clément Allègre. Dans le parc social, on trouve souvent des locataires dont le reste à vivre est de moins de 50 euros par mois.» Pour la CLCV, qui s’insurge contre la mesure, il aurait fallu passer à la loupe de nombreux dispositifs d’investissements locatifs, comme le Pinel par exemple, dont l’efficacité reste «discutable».
(Source : www.leparisien.fr/economie – 25 juillet 2017)